Hommage à ces mères qui ont choisi la vie


En découvrant qu’elle était enceinte en ce mois de décembre 1984, Geneviève ne pensait pas aux gazouillis de bébé, à la peau douce qui invite aux câlins ou tout simplement à la joie d’avoir une fille. Geneviève pensait à ses deux premiers garçons qu’elle voit à peine parce qu’elle doit travailler de longues heures, aux fins du mois où elle devait constamment faire des choix déchirants; payer le loyer ou assurer à ses enfants un repas sur la table à manger. Elle pensait à sa situation de mère célibataire, abandonnée une fois encore par un homme, qui n’avait jamais demandé à être père.
Dans son esprit, il n’était pas responsable de faire venir un enfant au monde dans de telles circonstances. Le père, cet homme qu’elle croyait être enfin ce mari qu’elle attendait depuis tant d’années, lui demandait d’avorter. Il n’avait pas mâché ses mots et avait été parfaitement clair sur son intention de ne pas être impliqué dans cette grossesse. C’était son problème à elle et c’était à elle de le régler.
C’est donc le cœur lourd et rempli de désespoir qu’elle a accepté de passer ce coup de fil, de prendre le rendez-vous qui sonnait la mort de cette vie qui avait pris naissance en elle. Elle avait décidé de suivre le conseil du géniteur de l’enfant et d’avorter. Mais ce ne fut pas une décision facile; elle avait bataillé avec sa conscience pendant trois mois. On aurait pu croire qu’après un premier avortement faire ce choix serait plus aisée, mais ça ne l’était pas. C’était la deuxième fois qu’elle se retrouvait dans une telle situation et la première fois elle avait choisi de sacrifier son enfant en croyant avoir une meilleure vie, et voilà qu’elle se retrouvait encore dans la même situation, face au même dilemme.
En se rendant à la clinique d’avortement ce jour là, elle était hantée par son imagination. Elle se demandait si c’était l’univers qui lui donnait une autre chance de faire le bon choix; si cet enfant venait l’aider à effacer ce sentiment de culpabilité qui l’habitait depuis qu’elle avait ce choix déchirant. À la clinique, lors de l’échographie, elle a eut la confirmation que c’était effectivement une deuxième chance que l’univers l’offrait. Elle attendait des jumeaux, comme lors de la grossesse précédente. Cette fois elle ferait le bon choix. Elle allait donner une chance à ses enfants de vivre. Après tout cette vie meilleure qu’elle croyait avoir après le premier avortement elle ne l’avait pas eu, alors pourquoi ne pas essayer une autre option cette fois et voir ce que cela donnait. Geneviève choisi la vie cette journée de mars 1985. Cinq mois après elle donnait naissance à une petite fille. Malheureusement sa deuxième fille ne vit jamais le jour, surement à cause du stress de la grossesse. Mais cela ne l’empêcha pas de célébrer cette vie et de promettre à cette enfant qu’elle ne manquerait jamais rien dans la vie. Geneviève avait compris qu’un verre à moitié vide, est aussi à moitié plein. Il était vrai qu’elle était une mère célibataire, ayant déjà deux enfants, vivant dans un pays pauvre dans lequel les mères célibataires sont des proies faciles et considérées comme des parias de la société; elles survivent, elles ne vivent pas. Mais Geneviève choisi de se battre pour la vie de sa fille et pour prouver que la fatalité n’existe pas. On choisit son destin et on le forge.
Geneviève tint  ses promesses. Je n’ai effectivement jamais manqué de rien matériellement. J’ai grandi dans une belle maison, fréquenté dans des écoles privées et ait eu l’incroyable chance de pourvoir poursuivre mes études au Canada, venant du Cameroun un pays qui se classifie parmi les pays les plus pauvres de l’Afrique. Ma mère fit le bon choix et travailla dur pour nous offrir la meilleure des vies possible. Je lui serais toujours reconnaissante d’avoir choisi la vie, ma vie.

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