À terre, mais toujours vivante

Elle
commence avec le décès de ma mère. Ce décès survenu le 29 mars 2012, a
définitivement mis un terme à mon existence telle que je la connaissais. Ma vie
s'est arrêtée avec celle de ma mère. Je n'avais plus le goût de rien, mon cœur
était devenir froid, incapable de ressentir. La vie n’avait plus de sens, elle
avait perdu sa saveur, sa raison. C’était le vide total à l’intérieur de ma
personne. J'avais l'impression de planer, de flotter à longueur de journée, de
ne me rendre compte de rien, incapable de définir une préférence, comme si le
temps s’était arrêté. J'existais mais je n’étais pas vivante pour autant. Tout
ce que je voulais c’était mourir complètement, je n'avais que ça en tête:
mourir. Il n’était pas question de continuer à vivre sans ma mère, sans mon
modèle.
Depuis
ce jour de mai 1990 où j’ai vu pour la première fois la lumière du jour, elle
n’a cessé de m’enseigner, de m’inculquer les valeurs qui feraient de moi la
femme que je suis aujourd’hui. Ma mère avait toujours été une véritable
inspiration pour moi; un modèle de force et d’amour. Elle m’a appris tellement
de choses, mais la chose la plus importante était que peu importe les défis de
la vie, on pouvait toujours y faire face, sans perdre son âme. Seulement elle
ne m’avait pas préparé à l’épreuve que serait son départ. J’aurais voulu être
assez forte pour ne pas m’effondrer de la sorte, mais quand je pensais à tous
ces moments importants de ma vie qu’elle manquerait, je devenais inconsolable.
Il
m’était inconcevable de l’imaginer absente le jour de ma graduation à
l’université, le jour de mon mariage, le jour où j'allais avoir mon premier
enfant. Je refusais tout simplement d'accepter le fait qu'elle ne serait plus
jamais là. Au début, je pensais faire un cauchemar; je nourrissais l’illusion
de me réveiller un matin et de la voir à mes côtés; je la prendrais alors dans
mes bras et je ne la laisserais plus jamais partir. C’était vraiment bête, je
sais mais j'y ai cru de tout mon cœur. J’étais convaincue que son amour pour
moi, pour nous, était plus fort que la mort. Mais les semaines ont passé, puis
des mois et j’ai compris qu’elle était vraiment partie. La réalité me
rattrapait; j’avais l’impression de recevoir une douche froide. J’étais
orpheline de mère à 22 ans; un titre dont je me serais bien passé.
Accepter cette réalité était la preuve que je n'étais plus
dans le déni; mais je passais à une autre étape de mon deuil, la colère. J'ai
commencé à avoir du ressentiment contre Dieu. J'avais le cœur rempli de haine
et de rage. Pourquoi continuer à croire en une entité soi-disant omnipuissante
qui n'avait pas empêché ma mère de mourir?
C'est pourquoi, ce jour où ma tante m'a demandé de
l'accompagner dans son église, j'ai trouvé cela courageux de sa part. Elle
savait quelle était ma nouvelle position par rapport à tous ces rites religieux,
mais elle a su trouver les mots justes pour me convaincre. Elle était certainement guidée par une
conviction profonde et savait que cette journée allait être déterminante pour
le reste de ma vie. Ça ne veut pas dire pour autant que j’étais contente d’y
aller. Je me suis dis que j’irais pour faire plaisir à ma tante, mais ça ne
changerait rien à ce que je ressentais.
À l’église, le pasteur a commencé à parler des promesses que
Dieu avait envers les orphelins. Je me suis sentie interpelée, comme si j’étais
toute seule dans la salle et qu’il me parlait directement; comme s’il me
connaissait et lisait toutes les pensées qui défilaient dans ma tête. Des larmes
ont commencé à couler; j’en ai versé des tonnes. J’avais l’impression qu’une
cascade s’écoulait de ma personne, toute cette tristesse, cette colère,
s’effritaient dans ces larmes. Mon cœur mort rebattait à nouveau, je le sentais
vivre. À ce moment-là, j'ai ressenti tout l’amour de Dieu inonder mon cœur; je me sentais tellement
remplie de sa présence qu’on aurait dit que j’allais exploser. Il a déposé l’espoir en moi. Je ne saurais
vous dire comment, c’est inexplicable.
À partir de ce jour j'ai commencé à aller mieux. Je vivais à
nouveau, j’étais capable de ressentir, de vouloir, de désirer. Je me sentais
forte, même s’il m’arrivait de pleurer encore en entendant certaines musiques
qui me rappelaient ma mère. La lutte n’était pas facile, c’est le moins que je
puisse dire. Je tombais et retombais à plusieurs reprises, j’étais fatiguée,
j’avais mal, j’avais l’impression d’avoir vécu 1000 ans, 1000 morts et 1000
résurrections. J'avais la certitude que je finirais par me relever
complètement, un jour, même si pour cela il fallait que je rampe jusqu'à la
lumière au bout du tunnel. J’avais également la certitude qu’Il était là avec
moi et ça, ça faisait toute la différence. Il était le phare qui m’éclairait
dans mes nuits blanches aux idées noires. Je ne savais pas où j'allais
exactement, ni combien de temps ça allait me prendre pour guérir, j’avais plein
de questions, mais je marchais quand même, un pas à la fois, surtout que je
n’étais pas seule, j’avais un amoureux dont la présence me montrait qu’il y
avait encore une raison de vivre.
Le nouveau plongeon
Trois
ans plus tard, alors que j’apprenais tranquillement de nouveau à vivre, mon
copain m’a laissé tombé pour une autre fille. La même fille avec laquelle
il m’avait trompé un an plus tôt. Cet homme que je croyais être l’amour de ma
vie, mon premier amour, venait à nouveau de briser mon coeur.
On
s’était rencontré à l’école secondaire. On aurait dit qu’une force indescriptible
nous attirait l’un à l’autre. Nous nous sommes tournés autour un temps, mais
avons fini par sortir ensemble en 2010, quelques temps avant qu’il ne vienne au
Canada pour poursuivre ses études. Je l’ai y rejoins en septembre 2012 et nous
semblons être plus inséparables que jamais, jusqu’à ce jour de 2015 où il me
trompa, pour finalement me quitter un an plus tard. Je ne saurai vous décrire
ce que j’ai ressenti à ce moment-là. J’ai perdu le peu d’énergie que j’avais pu
récupérer. Mes anciennes cicatrices venaient à peine d'être fermées que de
nouveau il fallait que je trouve la force de guérir. J’étais à peine sortie du
deuil de ma mère que j’enchaînais le deuil de ma relation amoureuse avec ce
garçon avec lequel j’avais été pendant 6 ans. Bref, tout cela pour vous dire
que j’avais touché le fond. Encore une fois.
Et quand je dis que j’avais l’impression que l’univers
conspirait contre moi, c’est parce que cette rupture est arrivée durant la
période des examens de ma dernière session à l’université. Comment faire
fonctionner mon cerveau quand mon cœur lui, refusait de battre? Mon âme saignait
et s’épanchait dans les larmes que je n’arrêtais plus de verser. Je devais
pourtant me forcer à étudier si je voulais continuer à bénéficier de ma bourse,
mais c’était tellement difficile. Mais Dieu m’a secouru encore une fois d’une
manière miraculeuse et j’ai pu boucler mon année haut la main ! Je me suis
rappelée ensuite de ce qu’Il disait: “Car ma puissance s’accomplit dans ta
faiblesse” et c’est ce que j’ai vraiment vécu.
La renaissance
Aujourd’hui, ce garçon est revenu dans ma vie. Honnêtement
je ne saurais vous dire quel est le statut de notre relation. Je ne suis plus
la même femme, je suis plus forte, plus déterminée et moins encline à perdre
mon temps. Ceci étant, 7 ans de relation, parce qu’on s’est remis ensemble en
2017 avant que je décide de le quitter, ne s’efface pas comme par magie. Je
l’ai pardonné, et j’apprends à me pardonner à moi-même. Et je suis persuadée
que toute chose peut redevenir neuve et entière, même les cœurs terriblement
brisés. “Tout est possible à celui qui croit. ”
Dieu
m’a guéri et m’a restauré. J’ai commencé à apprendre à nager sans poids, j’ai
appris à me reprendre en main. Quitter ce garçon en 2017, que j’ai aimé de tout
mon cœur et que j’aime peut-être encore aujourd’hui, a été le catalyseur qui
m’a aidé à améliorer ma relation avec Dieu, mais également ma relation avec
moi-même. Depuis, j’ai recommencé à vivre, j’ai recommencé à écrire, à
faire de la musique et toutes les activités que j’aimais faire avant, j’ai
également su réapprécier mes amis proches, mais par dessus tout, j’ai retrouvé
la paix avec moi-même.
Après
avoir vécu toutes ces épreuves, j'ai compris qu’il est important de croire en
la synchronicité des évènements car on ne peut pas toujours contrôler ce qui
nous arrive. C’est impossible. Tout ce qui doit arriver arrivera, qu’on le
veuille ou non et même si cela nous fait terriblement mal. Cependant, il est
possible de se relever et de reprendre goût à la vie. Il est possible d'aimer à
nouveau, de retrouver la paix.
Et je
dirais que la force sur laquelle j'ai pu m'appuyer pour passer au travers de
tout cela est Dieu. Lui seul connaît notre futur et saura nous aider à
surmonter n’importe quelle épreuve. Il ne nous lâchera jamais, je vous le
promets ! Et croyez-moi que plus tard, on finit toujours par comprendre le sens
de tout ce qu'on a vécu.
Hassina est une jeune femme pleine de vie, qui profite de
chaque instant de bonheur et continue à illuminer le monde avec son sourire.
Elle vit au Canada et travaille comme intervenante sociale. Elle est également
une jeune entrepreneuse
, qui essaie de vivre selon les standards hérités de sa
mère.
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